Dans son rapport annuel « Charges et Produits » publié le 17 juin 2025, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) alerte une nouvelle fois sur la hausse continue des indemnités journalières (IJ), en augmentation de 5% à 8% par an depuis une décennie. À quelques mois du débat parlementaire sur le PLFSS 2026, elle formule une série de propositions visant à endiguer la progression des arrêts maladie, notamment en responsabilisant médecins et employeurs.
Limiter les primo-prescriptions et encadrer les arrêts longs
La première mesure viserait à encadrer plus strictement les arrêts initiaux (primo-prescriptions), en les limitant à 30 jours maximum hors exceptions. Objectif : éviter les arrêts longs accordés sans évaluation intermédiaire. Pour cela, la CNAM recommande de renforcer les obligations pour les prescripteurs :
Le télétravail prescrit par le médecin, un futur droit opposable à l’employeur ?
Une autre mesure innovante serait d’introduire un « arrêt partiel » sous forme de télétravail prescrit pour raison de santé. Le médecin pourrait proposer cette solution à la place d’un arrêt complet, et l’employeur serait tenu de l’accepter sauf justification valable. Cette mesure vise à éviter la désinsertion professionnelle tout en préservant la continuité du travail lorsque c’est possible.
Vers un bonus-malus pour les entreprises ?
La CNAM propose aussi un mécanisme incitatif pour les entreprises : un bonus-malus basé sur le taux d’absentéisme. Les structures investissant dans la prévention (vaccination, ergonomie, actions QVT…) et affichant un faible taux d’absence pourraient être récompensées, tandis que celles qui n’engagent aucune démarche pourraient être pénalisées.
Un transfert de charges de l’Assurance maladie vers les employeurs
Autre mesure explosive : décaler la prise en charge des IJ au 8e jour (au lieu du 4e actuellement), transférant les jours 4 à 7 aux employeurs. Ce projet, déjà envisagé en 2024 puis abandonné sous la pression patronale, refait surface. Pour rappel, ces jours sont aujourd’hui souvent couverts par les employeurs dans le cadre du maintien de salaire ou de conventions collectives.
Cibler les arrêts longs liés à des pathologies non reconnues comme ALD
Le rapport cible aussi les affections de longue durée non exonérantes, telles que les dépressions ou lombalgies chroniques. Ces pathologies peuvent générer jusqu’à trois ans d’indemnisation sans passage par un protocole de soins formel. La CNAM alerte sur le risque de substitution aux dispositifs invalidité ou AT-MP, avec un suivi parfois insuffisant.
Un contrat de prévoyance « responsable » pour les arrêts longs
Pour mieux couvrir les arrêts longs, la CNAM suggère la création d’un contrat de prévoyance « responsable ». Celui-ci prévoirait :
En contrepartie, ces contrats bénéficieraient d’un régime fiscal favorable.
Garantir un accès équitable aux droits pour tous les assurés
Enfin, la CNAM appelle à une harmonisation des conditions d’ouverture des droits, quel que soit le statut (salarié stable, précaire ou indépendant). Elle suggère notamment :
Un débat hautement politique à venir à l’automne
Toutes ces propositions visent à contenir une dérive jugée préoccupante. Selon la CNAM, 40% de la hausse des dépenses IJ reste « inexpliquée », une part jugée trop élevée par rapport aux facteurs connus (vieillissement, conditions de travail). Les syndicats, de leur côté, pointent d’autres explications : souffrance psychique croissante, Covid long, accès limité aux spécialistes, lenteur des procédures d’invalidité…
En toile de fond : un débat sensible sur l’équilibre entre santé publique, responsabilité individuelle et coût pour les finances sociales. Rendez-vous à l’automne pour les arbitrages politiques.